Droit rural Le « code animal » monte en puissance
L’AFDR (Association française de droit rural) et le think-tank Agridées (ex-Saf) s’interrogent sur l’intégration récente des notions de bien-être animal dans les textes de loi.
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Face à la montée en puissance de matières aussi diverses que le droit de l’environnement ou le droit de la concurrence, le droit rural se retrouve à la croisée des chemins. Lui qui a su constituer depuis 60 ans un corpus de règles affectées à l’activité agricole, en marge du droit commun, doit-il s’effacer devant ces nouvelles disciplines ou composer avec elles ?
L’AFDR (Association française de droit rural) et le cercle de réflexion Agridées (ex-Saf) se sont posé la question à l’occasion des Rencontres de droit rural organisées à paris, le 10 avril 2018. En particulier concernant l’intégration récente des notions de bien-être animal dans les textes de loi.
« Un être vivant doué de sensibilité »
Si le code rural a été précurseur en la matière, en affirmant dans son article L. 214-1 la qualité d’être sensible à tout animal, le code civil lui a emboîté le pas en 2015 en définissant l’animal comme « un être vivant doué de sensibilité » et non plus comme « un bien meuble par nature ou immeuble par destination ». Une ouverture lourde de conséquence.
Même si une part importante du droit animalier se trouve encore dans le code rural, « il a perdu de sa superbe, il a été vidé de sa substance », commente Lucille Boisseau-Sowinski, maître de conférences à l’Université de Limoges. Et cela ne fait que commencer : la juriste travaille à la reconnaissance d’un « code de l’animal » destiné à condenser toutes les règles applicables à la protection des animaux et à l’organisation des rapports homme animal.
Chambardements à venir
Le droit animalier aurait ainsi pour vocation de devenir « autonome ». Avec cette ambition sous-jacente, assumée par Lucille Boisseau-Sowinski : appréhender chaque animal en tant qu’individu, plutôt que collectivement, en tant qu’espèce. Ce qui implique de reposer la question de son statut juridique.
L’animal doit-il être encore considéré comme un « bien », selon la classification juridique traditionnelle ? Faut-il aller jusqu’à le considérer comme une personne ? Le droit français n’en est pas encore là, mais beaucoup estiment que sa sortie du giron rural et son entrée dans le code civil constituent « un pied dans la porte » pour de grands chambardements à venir.
Militant en ce sens, Lucille Boisseau-Sowinski a tenu à défendre sa position devant une assemblée plutôt frileuse sur le sujet : « Le statut juridique sera amené à évoluer de gré ou de force. Il ne faut pas éluder la question, un mouvement est déjà amorcé et il serait inconséquent de se voiler la face. »
Voilà donc un nouveau défi pour les ruralistes : concilier l’essor du droit animalier avec les considérations agricoles. Et plus encore d’assurer que l’on pourra toujours demain élever des animaux, même dotés d’une personnalité juridique. Après tout, le droit rural a lui aussi son autonomie, comme l’a justifié maître François Robbe, président de l’AFDR : « L’activité agricole, par sa prise directe avec le vivant, n’est pas une activité comme les autres ! »
Alain Cardinaux
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